Si j'ai bien compris avec Clément, vous vous êtes rencontrés au Lycée ?
Oui, en Haute-Savoie, il y a plus de 20 ans ! Et, dès que nous nous sommes rencontrés, nous avons lancé un fanzine au lycée. Cela faisait longtemps que nous faisions de la BD chacun de notre côté. Mais nous ne sommes pas partis tout de suite sur la BD. Moi j'ai fait des études de cinéma et anthropologie. Et Clément, de philosophie. Finalement, nous nous sommes dits que c'était vraiment la BD qui nous plaisait. Nous sommes rentrés à l'école d'Angoulême en 2004.À Angoulême, vous avez monté plusieurs projets, notamment les revues Modern Spleen et L'épisode avec votre propre structure, les éditions Na.
Quand nous étions à Angoulême, nous avons avons envoyé plusieurs projets de BD à des éditeurs, qui ont tous été refusé. Nous travaillions déjà beaucoup à deux ! Comme nous étions encore étudiants, nous avions devant nous encore quelques années où nous pouvions avoir une certaine paix sociale pour avoir choisi cette voie : il fallait que nous fassions quelque chose avant de sortir de l'école. Du coup, nous sommes partis dans le cadre d'Erasmus en Italie où nous avons rencontré Stefano Ricci [auteur italien de BD très graphique et plutôt expérimentale et professeur à Udine] et ses élèves. Cette rencontre nous a vraiment donné l'impulsion de créer, avec des étudiants d'Italie, d'Allemagne et d'Angoulême, Modern Spleen, un journal collectif gratuit au format d'un quotidien, imprimé sur du papier journal, donnant un côté un peu populaire à ce projet. En fait, nous sommes toujours très attirés par des formes populaires, et c'est pour ça aussi que nous avons fait du roman-photo plus tard.Même si il y a eu des participations à quelques collectifs, notamment celui sur les récits de guerre
Afghanistan paru aux éd. FLBL, votre premier ouvrage paraît en 2014 chez ce même éditeur : Yékini, un gros pavé,
que personnellement j'ai adoré et qui a eu un certain succès et même obtenu plusieurs prix, dont le Prix Révélation à Angoulême en 2015.
Comment est né ce projet ?
En fait, en 2010, nous étions allés pendant deux mois voir les parents de Clément qui habitaient au Sénégal. C'est à cette occasion que nous avons découvert la lutte sénégalaise.
Nous avons eu la chance d'assister à un combat de lutte que tous les Sénégalais nous conseillaient d'aller voir, un combat intéressant parce qu'organisé pour le cinquantenaire de l'indépendance du Sénégal et qui opposait deux mastodontes de la lutte complètement antagonistes dans leur vision de ce sport. L'un, Tyson, très américanisé, très moderne ; et l'autre, Yékini, traditionaliste qui passait son temps à s'entraîner.
Nous étions avec des gens qui étaient pour l'autre, Tyson, qui est beaucoup plus drôle et populaire. Et ils étaient très déçus parce que c'est Yékini qui a gagné.
Ils nous ont expliqué que Yékini était ennuyeux, qu'il ne faisait que s'entraîner, qu'on ne le voyait pas dans les journaux, qu'il n'y avait pas de produits dérivés,... des choses comme ça !
Alors que nous, nous nous sommes dit justement « il est marrant ce mec, il passe son temps à s'entraîner du coup il gagne,
il ennuie tout le monde, mais c'est aussi une sorte de pied de nez à tout le monde de l'argent et des médias qui sont autour
de la lutte au Sénégal !»
Il faut préciser que si la lutte sénégalaise n'est pas du tout connue en France, au Sénégal c'est très populaire, bien plus que le football !
Et du coup ça vous est venu tout de suite cette envie de faire une BD autour de la lutte sénégalaise et de ce personnage de Yékini ?
Pas tout de suite. Nous voulions faire un livre avec les éditions FLBLB et, une fois où nous sommes allés les voir, Clément avait mis un T-shirt Yékini que je lui avais offert. C'était son dernier T-shirt propre ! Du coup, nous avons discuté de ce personnage avec Grégory Jarry des éditions FLBLB, et c'est lui qui nous a dit « Faites une BD là-dessus ! » Et tout de suite, cela nous a paru évident. Nous nous sommes dits que nous devions y retourner, pour nous documenter. Ce qui est aussi le bon côté de la BD documentaire, c'est de pouvoir un peu voyager et de rencontrer des gens ! J'avais écrit à l'Institut français de Dakar qui nous a accueillis. Nous avons rencontré plusieurs lutteurs, dont Yékini.
J'ai lu que vous aviez pris tout un tas d'informations et de documentation sur place, mais ce n'est qu'une fois arrivés en France que vous avez retravaillé le tout.
C'est ça. Nous avions pris énormément de photos et énormément de notes...
Mais c'est vrai que nous n'avions pas vraiment d'idées de ce que nous allions faire quand nous y sommes allés. En rentrant en France, j'ai commencé à faire les dessins et en revoyant les photos, nous nous sommes dits « elles sont marrantes ces photos ».
C'est vrai que dans le dessin on peut un peu tout faire : je peux inventer, je peux exagérer, les morphologies des personnages, les ambiances,... Mais nous nous disions que tout de même ces photos elles montraient quelque chose. Nous avons donc eu envie de les mettre, naturellement.
Planche extraite de Yékini et composée de photos de reportage - © Lugrin - Xavier / FLBLB
En fait, nous sommes arrivés à la bande dessinée documentaire mais à la base ce n'est pas du tout ce que nous lisons, et ce n'est pas tellement nos influences. Même si dans mes études de cinéma, j'ai beaucoup étudié le documentaire en film mais pas tellement en bande dessinée.
Pour nous, c'est très important qu'il y ait de la fiction, qu'on soit pris dans l'histoire, que ce soit narratif. Ça fait comme un effet de réel, à un moment on se prend dans l'histoire, on a l'impression que c'est une histoire inventée et tout à coup on se dit « ce personnage existe vraiment en fait, cette scène elle s'est vraiment déroulée ».
Yékini fait mordre la poussière à son rival Tyson ! - © Lugrin - Xavier / FLBLB
Vous abordez aussi le contexte politique, notamment les élections présidentielles au Sénégal en 2012.
En fait, la lutte est tellement populaire au Sénégal que les lutteurs sont très demandés par les hommes politiques et se sont eux-mêmes investis dans le jeu électoral. Ce qui est intéressant, c'est que Yékini allait se battre contre un très jeune lutteur hyper-moderne et que c'est ce jeune qui soutenait Abdoulaye Wade, le très vieux président qui avait plus de 80 ans. C'était le faux-semblant de cette jeunesse apparente qui soutenait en fait des vieilles idées.Ce combat pendant les élections a vraiment eu lieu ?
En fait, tout est réel. La fiction elle n'intervient que pour mettre en scène et raconter mais c'est vrai que le fond de l'histoire, les relations entre les lutteurs, les combats, le rapport à la politique,... c'est vrai !En fait, nous nous sommes dits que le réel était plus intéressant que ce que nous serions capable d'inventer. Il y a des choses qui ne s'inventent pas !
Nous avons notamment beaucoup rencontré l'agent de Yékini, qui n'apparaît pas dans le livre et à qui nous avons envoyé
la BD avant de la publier où nous critiquons beaucoup tout le côté argent de ce milieu de la lutte. Et il nous a dit :
« Mais vous avez très bien compris la lutte. C'est tout à fait ça ! » Nous étions très surpris par cette réaction.
Je me demandais si ce mélange entre le côté documentaire et cette mise en scène autour de la lutte, ça n'avait pas eu un certain impact auprès d'un jeune lectorat, notamment adolescent. J'ai vu que vous aviez obtenu par exemple le prix des lycéens d'Ile de France. Ça devait être assez gratifiant ?
C'était génial ! Et nous étions très touchés que des jeunes puissent s'intéresser à notre livre. C'est une BD qui est tout de même assez longue, 400 pages qui en plus sont en noir et blanc...C'est un peu bête ce que je vais dire mais ce sont des personnages noirs, et héros d'une bande dessinée, ce n'est pas si souvent le cas !
C'était un gros boulot de faire ces 400 pages ! Nous avons transpiré !
Le magazine fictif "Le Voici des arènes" avec en couverture Yékini, Tyson et la jeune étoile montante Balla Gaye2 - © Lugrin - Xavier / FLBLB
Deux double-pages de combats extraites de Yékini - © Lugrin - Xavier / FLBLB
Cela ne vous a pas trop fait peur puisque vous avez enchaînez avec un autre ouvrage qui a autant de pages, et même un petit peu plus, Géronimo, qui paraît aux éditions Delcourt en 2018.
Dans ce livre, vous vous attachez à adapter en BD les mémoires de ce personnage de Géronimo, figure de la résistance indienne aux Amériques. Là aussi, j'ai l'impression que c'est parti d'un voyage aux USA chez les Apaches, ou bien le voyage est-il venu après ?
J'avais lu les Mémoires de Géronimo et je m'étais dit que c'était intéressant de lire cette histoire qu'on a entendu et vu mille fois du côté des Américains, du point de vue des natifs. Le texte est très beau et ce qui est très surprenant dans ses Mémoires, c'est que Géronimo y parle très peu des batailles. Il en parle bien sûr, puisque c'était un grand guerrier, mais ce dont il parle énormément c'est de sa culture parce qu'il la voit disparaître. Ça m'a beaucoup touché. Ça rejoignait des sujets qui m'intéressaient, notamment parce que j'ai fait des études d'anthropologie. C'est comme ça que nous avons eu envie d'adapter ces Mémoires.Comme Géronimo termine ses Mémoires en se demandant « Qu'est-ce que ma culture va devenir ? », nous sommes partis aux USA pour aller trouver
sur place la réponse à sa question.
Vous utilisez là aussi le matériel de tout ce reportage photographique fait sur place à l'époque, reproduit en couleurs alors que la partie BD est en noir et blanc, et qui vient s'insérer plutôt avant et après le récit des mémoires de Géronimo. Vous avez aussi décidé de mettre en scène Barrett le personnage qui a recueilli ces mémoires, qui a réellement existé.
Ça nous permettait d'avoir une entrée avec un personnage étranger à ce monde-là qui pouvait nous ressembler à nous, occidentaux. Et aussi de rendre un peu justice à ce personnage qui s'est intéressé à ce peuple et cette culture.Le personnage principal reste tout de même bien sûr Géronimo et comme tu disais vous avez essayé de mettre en avant les traditions qui perdurent aujourd'hui, donc plutôt avec le côté reportage photo, mais il y a aussi toute la « légende » de ce personnage de Géronimo que vous arrivez, je trouve, à très bien retranscrire. On retrouve aussi, insérés dans la partie BD, des documents d'époque, tantôt des dessins satiriques, tantôt des reproductions de gravures ou de peintures,... mais aussi, dans un style assez naïf, tout un tas de dessins magnifiques, que je ne connaissais pas du tout, faits par des Indiens.
Documents d'époque reproduits dans Géronimo, Mémoires d'un résistant apache - © Lugrin - Xavier / Delcourt
Nous sommes allés dans de nombreux musées où nous avons découvert ces dessins. Il y a des images que nous trouvions très belles et que nous avions envie de partager avec les lecteurs, plutôt que de les garder pour nous comme documentation.
J'y avais remarqué des petites choses. Dans ces dessins, il y a par exemple la trace des sabots des chevaux des soldats lors des batailles, et plein d'autres détails qu'ils voient eux et auxquels nous n'aurions pas pensé.
Il y a aussi, sans que ce soit le cœur du livre, tout l'aspect sur l'assimilation qu'essaie de faire l'Etat américain auprès de ces peuples Indiens, notamment avec ce pensionnat Carlisle.
C'est un aspect très important. Quand nous sommes allés voir les descendants de Géronimo, ils nous ont tous parlé de ça. Pour eux, ce qui les a vraiment traumatisés je pense, et c'est très présent encore aujourd'hui, c'était cette tentative d'assimilation sur leurs parents et leurs grands-parents, cette violence d'avoir été arrachés à leurs familles, et de leur avoir complètement enlevé leur culture. On leur a coupé les cheveux alors que pour eux c'était important d'avoir les cheveux longs, ils ont changé de nom.
Ça a été extrêmement violent. Il y a eu beaucoup de morts à Carlisle, souvent de très jeunes gens, non seulement d'épidémies, mais aussi
vraisemblablement d'équivalent de dépression dû au fait d'avoir été totalement coupés de leur culture.
Il y a énormément de choses à dire sur ce livre qui est très riche : après l'assimilation des Indiens, vous parlez de comment ils ont essayé de reprendre pied et ce qu'ils ont pu conserver de leur folklore.
Tout à fait. Il y a des choses qu'ils ont réussi à garder de leur folklore, notamment des fêtes. Complètement par hasard, quand nous y étions, il y a eu plusieurs fêtes auxquelles nous avons pu participer, des fêtes vraiment entre eux parce qu'il y en a aussi pour les touristes. Mais entre eux c'est quelque chose de très important et qu'ils continuent de perpétuer avec des chants, de la musique, des masques,...Nous sommes aussi allés dans une école assister à des cours d'Apache. C'est un peu fou, mais maintenant, après l'avoir interdite,
l'état américain subventionne les cours d'Apache pour réapprendre cette langue.
Vous parlez aussi d'Oliver Enjady, personnage assez étonnant que vous avez rencontré et qui participe à des grosses productions cinématographiques américaines et en même temps des films plus documentaires sur la culture apache.
Ce qu'il nous a dit lui, c'est que c'était bien que nous fassions une BD sur leur culture, mais en fait eux ils n'ont plus envie qu'on fasse des œuvres sur eux, ils avaient envie de les faire eux-mêmes. Et c'est très bien !
Géronimo conclut un traité avec l'armée américaine - © Lugrin - Xavier / Delcourt
J'ai entendu une interview de vous où vous parlez des touristes, notamment allemands, qui viennent dans ces réserves indiennes à cause d'une série télé.
En fait, les Apaches ont plein de clichés sur nous. Par exemple, les enfants nous demandaient si nous avions Internet en France, parce que pour eux la France c'est complètement arriéré, c'est le Vieux continent. C'est amusant ce retournement, parce que pour nous ce sont les Apaches qui vivent un peu dans le passé.La frange de l'Europe qu'ils voient le plus, ce sont effectivement d'anciens babas cool, des gens un peu allumés ou qui idéalisent un retour à la nature en allant chez les Apaches. Du coup, ils nous disaient « vous vous lavez combien de fois par mois ? » parce qu'ils avaient l'habitude de voir des babas cool qui ne se lavaient pas souvent.
Alors que, et c'est triste, mais les enfants ils sont pour la moitié obèses, leur nourriture préférée c'est des hamburgers. Pendant les
cours d'Apache, ils nous proposaient des petits gâteaux au caramel.
Je connaissais déjà le principe des casinos dans les réserves, mais là vous parlez aussi de Wendell Chino, ce personnage qui est décédé et qui a géré cette réserve apache que vous avez visitée.
C'était un président particulièrement innovant. Il a fait beaucoup de choses pour développer la Réserve, il a été un des premiers qui a lancé cette idée
de casinos dans les réserves. Mais ça pouvait être à double tranchant parce qu'il avait proposé, pour gagner de l'argent qui aurait été partagé
avec tout le monde, d'ensevelir des déchets nucléaires par exemple. Mais heureusement, ça ne s'est pas fait !
Il y a aussi l'engagement militaire des Apaches...
C'est très important pour eux. En fait, la plupart des peuples amérindiens, dont les Apaches, étaient des guerriers extrêmement doués, et pour leurs descendants il y a une continuité culturelle à participer aux guerres américaines. Ils se sentent complètement américains ! Même si ils ont bien sûr des particularités, et qu'ils ne se sentent pas assez reconnus.Sinon il y a ce passage où Géronimo parle d'une Exposition universelle où il a vu des Hawaïens en disant « Mais nous, nous ne sommes pas des sauvages comme eux ! »
En effet, c'est dans son livre : à l'occasion d'une Exposition universelle aux Etats-Unis, il a rencontré d'autres peuples qui ne sont quasiment pas habillés et il est très choqué de voir des gens dont on voit les fesses. Pour lui, ce sont des sauvages. C'est drôle de voir les clichés qui se perpétuent. Malgré ça, Géronimo a un regard très aiguisé et intéressant sur notre civilisation, sur notre culture capitaliste. Il fait une sorte de travail d'anthropologue à notre égard.Il y a aussi le rapport à l'argent. Il vend des souvenirs ainsi que des signatures, des autographes qu'il fait payer. Il dit qu'il n'est pas intéressé par l'argent mais qu'il a vu l'importance que cela avait pour l'homme blanc, les faire payer quelque part c'est se faire respecter.
Moi je trouve qu'il résume la société capitaliste magnifiquement en disant ça. En fait, son peuple a signé de nombreux traités avec les Américains tout au long des différentes guerres et différentes batailles. Aucun n'a jamais été respecté ! Et il dit « les traités, les signatures, le papier c'est bien joli, mais en fait ce que j'ai remarqué c'est que le Blanc ce qu'il respecte c'est l'argent ! Si il y a de l'argent derrière un traité, une tractation, ça va être respecté, si il n'y a pas d'argent derrière rien n'est respecté ». Et donc, c'est pour ça qu'il disait « maintenant je fais tout payer ! » Avec les blancs, quoique ce soit il faut qu'il y ait de l'argent derrière. C'est un peu ironique mais Géronimo est mort plutôt riche parce qu'il avait de l'argent dont il ne faisait rien car il était dans cette réserve dont il ne pouvait pas sortir. Comme on le montre au début du livre, il a vraiment fini cultivateur de pastèques, très loin de ses terres, ce qui était son grand malheur !Deux double-pages extraites de Géronimo - © Lugrin - Xavier / Delcourt
En septembre 2020 est sorti votre dernier ouvrage en date, Jujitsuffragettes, là aussi chez Delcourt, dans une nouvelle collection qui s'appelle « Coup de tête », consacrée à des récits sur le sport. En deux mots, le livre met en scène en Angleterre au début du XXè siècle le personnage historique Edith Garrud, adepte du jujitsu, qui va devenir l'entraîneuse d'une sorte de service d'ordre féminin pour les manifestations des suffragettes qui ont été fortement réprimées par les hommes, notamment les policiers. On y retrouve toujours ce côté documentaire mis en scène avec des personnages réels, si ce n'est qu'il y a tout de même quelques nouveautés : c'est votre premier ouvrage en couleurs, et aussi votre premier livre cartonné. Cela a-t-il impliqué de nouvelles façons de travailler ?
Pour cet ouvrage, j'ai dessiné à la palette graphique directement sur ordinateur, et pas au crayon. Mais il y a eu aussi des changements au niveau de la mise en page car le format est plus grand que pour Yékini ou Géronimo. Mais surtout au niveau du nombre de pages, car c'était vraiment calibré, avec un nombre de pages imposé. Souvent avec Clément, nous avons des tiraillements parce que lui il écrit le scénario et moi je dessine. Et comme c'est beaucoup plus rapide d'écrire que de dessiner, à chaque fois je lui dis que ses scènes sont trop longues. Et là personnellement moi ça m'a fait du bien d'avoir un livre de 125 pages, même si ce sont des pages plus grandes, que nous avons fait en un peu plus d'un an alors que d'habitude nous mettons plutôt deux ans, voire plus, pour finaliser un livre. En ce moment, nous sommes sur un projet qui a été mis en stand-by pour faire les Jujitsuffragettes que nous avons depuis 4 ans.Et la coloriste Albertine Ralenti, c'est quelqu'un qu'on vous a présentée ?
Oui on nous l'a présentée, et j'ai adoré travailler avec elle ! C'était la première fois que je travaillais avec quelqu'un pour la couleur. Quand je dessine, j'ai des intentions de contraste, de lumière,... et je me demandais mais comment comment cela allait se passer. Heureusement, Albertine est très douée. Le plus souvent, elle m'envoyait 10 pages par 10 pages, et j'avais les larmes aux yeux de voir mes pages transformées comme ça, et même sublimées parce que ça apporte vraiment quelque chose.Comment est né ce projet ?
Il est né par un pur hasard. En fait, nous étions en dédicace dans un festival avec Kris, scénariste et directeur de cette nouvelle collection « Coup de tête » avec Louis-Antoine Dujardin, qui nous a dit qu'il était en train monter une collection sur le sport mais qu'il n'avait que des propositions mettant en scène des hommes. Avec Clément nous venions de lire un livre sur ces suffragettes, après avoir écouté Elsa Dorlin sur la web-TV Hors série. Nous trouvions ce sujet très intéressant, notamment parce que je pratique des arts martiaux. Du coup nous en avons parlé à Kris. Et c'est parti comme ça. Ensuite, j'ai essayé de beaucoup me documenter. C'est une histoire qui se passe il y a plus de 100 ans, avec des femmes qui veulent se protéger des violences policières et des violences faites par les hommes. Finalement, nous avons trouvé beaucoup d'écho dans l'actualité : il y a eu les Gilets jaunes et tous ces mouvements d'auto-défense de femmes qui se réapproprient les espaces urbains. A la Maison pour Tous de La Belle de Mai, il y a une jeune femme du quartier, formée aux arts martiaux, qui fait partie d'un groupe de femmes qu'elle a initiées à l'auto-défense. Pour le livre, j'y ai suivi plusieurs cours d'auto-défense. Moi, depuis 7 ans,je fais un art martial qui n'est pas très connu, le wu dao, un dérivé du viet vo dao.Dans le livre, vous définissez le jujitsu comme un « art de la souplesse qui consiste à retourner la supériorité physique de l'adversaire contre lui-même ». Je me suis demandé si on ne pouvait pas y voir un lien avec votre pratique de la BD, qui utilisse aussi une sorte de détournement. Comme tu disais la BD reportage, c'est le fond de ce que vous faites mais en même temps vous le faites de façon assez différente, sans vous mettre en scène, ce qui est souvent le cas dans les BDs de reportage parfois très subjectifs, alors que vous, vous avez choisi une approche plus « fictionnelle ».
Concernant le jujitsu, Elsa Dorlin, qui comme moi doit faire environ 1,60 m, dit « Ce que moi je peux faire, tout le monde peut le faire ! » Dans le jujitsu, on n'a pas besoin à la base d'être particulièrement doué ou d'avoir un corps particulièrement performant et peut-être aussi dans la BD ce qui nous plaît beaucoup c'est ça. Dans le roman photo aussi. Il n'y a pas besoin de bien savoir dessiner en fait tout le monde peut en faire et c'est ce côté démocratique qui nous plaît beaucoup ! C'est vrai qu'il y a un lien avec cette définition du jujitsu... Disons que, dans notre approche, nous essayons de ne pas avoir un côté élitiste.Planche où l'on voit Edith Garrud expliquer le principe du jujitsu - © Lugrin - Xavier / Delcourt
Les dialogues sont très intéressants. Ce sont des dialogues inventés ou que vous avez repris ?
La plupart sont extraits d'ouvrages, notamment du livre assez court d'Edith Garrud mais aussi dans les écrits des différents personnages. Emmeline Pankhurst, une des leaders des suffragettes, a des expressions vraiment superbes, comme cette analogie sur la démocratie : « Prenez deux bébés, il y en a un qui crie et un qui est calme, lequel vous allez nourrir en premier ? » En fait ce sont des problèmes qui continuent de se poser aujourd'hui. Je trouve qu'elle y répond, d'une façon qu'on n'entend plus trop aujourd'hui. Elle a fait de la prison aussi pour ça mais il y a une force et un courage dans ce qu'elle dit !J'ai beaucoup apprécié que vous ne cherchiez pas à gommer les différents courants au sein du féminisme, notamment vers la fin de l'album avec ce personnage de Sylvia, une des filles d'Emmeline Pankhurst, qui incarne une veine plus sociale.
Emmeline Pankhurst, leader du mouvement le plus radical des suffragettes, était en effet de classe supérieure, même si elle a dû travailler après la mort de son mari. Elle avait d'énormes dissensions avec sa fille Sylvia : Est-ce qu'on lutte uniquement pour les droits des femmes ou est-ce qu'on lutte de façon générale pour les droits de toutes les minorités, de tous les opprimés ? Une convergence des luttes qui fait écho à ce qui se passe en ce moment.Deux planches extraites de Jujitsuffragettes évoquant les thèses d'Emmeline Pankhurst - © Lugrin- Xavier / Delcourt
Planche extraite du cahier final de Jujitsuffragettes mettant en scène le discours d'Elsa Dorlin - © Lugrin- Xavier / Delcourt
Ce rapport à l'actualité, on le retrouve en fin d'album avec un petit reportage photo sur la manifestation qui a eu lieu le 8 mars 2020 pour la journée des droits de la femme, juste avant le premier confinement.
J'ai rencontré les organisatrices avant la manifestation et je trouve qu'en fait il y a un saut en avant important chez les féministes aujourd'hui. La nouvelle génération, les femmes qui ont 20 ans aujourd'hui, elles m'impressionnent. Elles disent des choses très intelligentes, très fines et qui me font réfléchir, moi, sur mon parcours de femme jusqu'à aujourd'hui.Le livre est préfacé par Elsa Dorlin, philosophe spécialiste notamment des questions de genre et du féminisme qui est un des fers de lance de ce mouvement, et qui a donc motivé cet ouvrage.
Complètement ! C'est grâce à elle que nous avons découvert ce sujet, à travers son livre magnifique et passionnant Se défendre qui parle plus généralement des mouvements d'auto-défense, physique mais aussi de la « désescalade verbale », et de beaucoup d'autres minorités que les femmes.Tu parlais tout à l'heure de votre intérêt et votre pratique du roman-photo. Vous en avez réalisé deux : Mon voisin Brad Pitt sorti en 2017 sur votre propre structure Na éditions et malheureusement épuisé, et en 2019 Même le grand soir a commencé petit chez FLBLB qui, en plus d'être votre premier éditeur avec Yékini, est aussi une maison spécialiste du roman-photo. J'imagine que c'est une pratique plus récréative pour vous, mais je trouve ces deux ouvrages très intéressants, notamment parce qu'on y retrouve un certain engagement et toujours ce mélange de genres, ici dans une façon un peu plus débridée.
C'est vrai que c'est beaucoup plus libre. En général, c'est très improvisé. Nous avons une trame globale de l'histoire et nous faisons les séances photo au fur et à mesure. Après il y a de petits arrangements suivant les hasards des prises de vue que nous faisons avec la contribution des copains, mais que nous réalisons surtout tous seuls avec Clément. Nous nous prenons en photo l'un l'autre, nous mettons l'appareil en haut d'une étagère pour nous prendre en photo,... et des fois nous devons faire un montage pour qu'on arrive à être tous les deux sur la photo. C'est vraiment bricolé !Le premier roman-photo, Mon voisin Brad Pitt, traitait de la gentrification de Marseille, et le deuxième Même le grand soir a commencé petit met en scène votre fils qui, comme les autres bébés dans cette histoire, est atteint d'une crise de « maturisme ». Ça existe vraiment ?
Non... En fait, vu que nous les adultes sommes une génération trop bête qui faisons des choses vraiment catastrophiques pour le monde et la planète, les enfants se mettent à grandir plus vite pour rattraper la bêtise de leurs aînés. Contraints de mûrir plus vite pour sauver le monde !Il y a aussi au-delà du côté humoristique un côté politique puisque, le président démissionne et on décide de tirer au sort son successeur parmi les chômeurs. Du coup tout le monde se met au chômage pour essayer de devenir président. C'est sorti avant le confinement mais à un moment il est dit qu'il n'y a plus que les fameux « emplois essentiels » qui sont pourvus avec des salaires de 15 000 € par mois parce que plus personne ne veut travailler. C'est assez visionnaire !
C'était juste avant les Gilets jaunes aussi ! Ça faisait écho aussi à ça.Pourrais-tu nous expliquer un peu comment vous travaillez pour vos BD ?
C'est plutôt Clément qui écrit et moi qui dessine. Mais comme en plus nous vivons ensemble nous discutons aussi énormément. Comme il est aussi dessinateur, Clément me fait souvent beaucoup de croquis pour le découpage que moi je retravaille après. De mon côté, il peut m'arriver de retravailler ses textes. Et lui de me faire refaire des dessins. Nous intervenons vraiment tous les deux sur toutes les étapes.Et pour la phase de documentation, c'est quelque chose que vous faites ensemble ?
Bien sûr, nous en discutons beaucoup ensemble. Et le bon côté la documentation, c'est le moment où nous allons rencontrer des gens, faire des voyages,...Est-ce qu'il y a beaucoup de part de fiction ou c'est vraiment que de la mise en scène à partir d'éléments ?
Moi je trouve qu'il n'y a pas tant de fiction que ça. Nous sommes relativement proches de la réalité mais tout de même nous pensons que c'est très important d'avoir de la liberté. Nous n'inventons pas grand chose mais nous pouvons simplifier certaines choses. C'est vrai que ce n'est pas du documentaire pur et dur où nous allons faire relire la moindre déclaration aux personnes qui sont interrogées, ou des choses comme ça. Pour Jujitsuffragettes, on a l'impression que la totalité de l'histoire se passe sur un an alors qu'en fait elle se passe plutôt sur 10 ans. Nous avons un peu simplifié les liens de causalité, des choses comme ça, parce que ça peut être ennuyeux d'avoir des ellipses où on nous dit « 4 ans plus tard... »Subtile incorporation d'éléments cinématographiques dans Jujitsuffragettes - © Lugrin - Xavier / Delcourt
Tu fais partie de l'Atelier des Héros. Depuis combien de temps tu travailles ici ?
Bientôt trois ans. C'est surtout Lisa Mandel et Thomas Azuelos qui ont créé cet atelier, mais nous avons tous un peu participé. Et la plupart de ceux qui sont là aujourd'hui sont arrivés dès le début.Y a-t-il une synergie entre les différents membres de l'atelier ?
Enormément ! En fait tous les mois nous nous montrons nos travaux, tout le monde dit où il en est et nous pouvons prendre plus de temps pour discuter d'un projet ou d'une question en particulier. C'est très important ! Tout le monde donne son avis et ça nous permet à tous de savoir où nous en sommes dans notre travail. D'autant plus que ce sont tous des auteurs qui font du travail de qualité. Personnellement, ça me fait un bien fou de travailler à leurs côtés, de pouvoir voir comment ils travaillent,...Tu disais avant qu'on enregistre que vous invitez environ tous les mois au sein de l'atelier deux auteurs.
C'est ça ! Il y a toujours deux personnes invitées. Là il va y avoir une personne qui écrit une thèse mais ce sont souvent des auteurs de BD ou des illustrateurs. C'est presque ce que je préfère dans l'atelier, rencontrer plein de gens différents. Et ce sont des places gratuites !Et au niveau des projets, tout à l'heure tu évoquais que vous aviez mis de côté pour faire Jujitsuffragettes un projet de livre sur Cuba.
Là nous sommes en train d'avancer dessus. Et normalement dans quelques mois, cela sera terminé. Mais ça ne sortira que dans un an, toujours chez Delcourt. Nous revenons à un format comme Géronimo ou Yékini, dans lequel nous sommes un peu plus à l'aise. Nous sommes partis à Guantánamo avec François Missen, un journaliste français de 85 ans qui connaît très bien Cuba. C'est un journaliste très impressionnant qui a obtenu le Prix Albert Londres et le Prix Pulitzer la même année, c'est lui notamment qui a révélé la French connection à Marseille où il a vécu très longtemps. L'idée de cette BD, c'est de parler de Guantánamo et aussi de parler de Cuba dans son rapport avec les Etats-Unis. Mais là, contrairement à nos autres ouvrages, c'est beaucoup plus de la fiction, ce qui nous permet de parler de plein d'autres choses. Nous partons d'une anecdote qui s'est vraiment produite : il y a un tout petit zoo à Guantánamo, dont un lion s'est échappé il y a une quinzaine d'années. Les gens essayaient de l'attraper non pas parce qu'il était dangereux et le remettre dans sa cage mais pour le manger, pour en faire du ragoût. Mais ça reste une fiction, même si il y a un fond documentaire.Et vous avez d'autres projets ?
Nous avons notamment deux autres projets pour lesquels nous ne sommes que scénaristes. Il y a tout d'abord l'adaptation de L'Histoire populaire de la France de Gérard Noiriel, un historien plutôt de gauche. C'est un livre très intéressant qui m'a fait aimer l'histoire ! Alors que j'avoue je n'en voyais pas trop l'intérêt jusque là. C'est un projet que nous avons proposé à notre éditeur Delcourt qui cherchait des projets d'adaptations. L'autre scénario c'est un projet qui me tient aussi très à cœur, sur les découvreurs de dinosaures : à quel moment on s'est rendu compte qu'un monde qui avait existé il y a des millions d'années avec des monstres gigantesques. A l'époque, au XIXè siècle, cela a été une lutte intense contre l'église et toutes ses conceptions créationnistes.C'est la première fois que vous êtes scénaristes comme ça pour d'autres dessinateurs ?
Clément l'avait déjà fait. Mais là nous signons ces scénarios tous les deux.Justement en parlant de collaboration, vous avez animé de nombreux ateliers.
Enormément ! Nous avons commencé à Angoulême mais nous continuons aujourd'hui.Couverture de Django Banjo, recueil de BD issues d'ateliers avec des gens du voyage - © Lugrin - Xavier / Na éditions
Il y a un livre que j'aimerais beaucoup sortir avec les éditions Na que nous avons fait avec des mineurs étrangers prisonniers à Marseille. Pour moi, ces ateliers et notre travail en BD sont complètement liés. Même si nous n'en sommes pas les auteurs, il y a cette même idée de fiction et de documentaire, et aussi bien sûr de parler des gens, dans ces cas-là en donnant la parole aux intéressés eux-mêmes. Au début, nous avons commencé à faire des ateliers bénévoles auprès des gitans à Angoulême. Le centre social avec lequel nous travaillions avait écrit un texte sur les gens du voyage que ceux-ci ont illustré. Mais nous nous sommes rendus compte que les gitans parlaient beaucoup mieux d'eux-mêmes, que ce qu'ils avaient à dire d'eux était très intéressant. Et à partir de là nous avons laissé la parole directement aux gens auprès desquels nous intervenons pour ces ateliers ! A chaque fois, l'idée c'est d'amener notre savoir-faire technique mais que les participants à l'atelier soient les plus libres possible pour réaliser leur livre. Pour l'atelier à Marseille, la moitié du livre est une adaptation de La Route de Jack London, un texte qu'il a écrit quand il était très jeune et vagabond sur les routes. Il a fait de la prison,... Il a eu un parcours il y a plus de 100 ans qui ressemble beaucoup à celui des jeunes migrants aujourd'hui qui eux aussi voyagent, se retrouvent par la case prison, se débrouillent, etc; Nous avons donc proposé à ces jeunes d'adapter ce livre de Jack London et après de nous parler d'eux en écho avec ce qu'ils avaient vécu.L'adaptation est sous forme de BD ?
Nous étions dans des salles grillagées et avec des barreaux aux fenêtres, et en fait ils ont joué Jack London, nous avons fait des montages où on les voyait dans des grands espaces américains, en train d'attraper un train, en train de sauter ou courir,... C'était très beau comme moment parce qu'il y avait des jeunes qui avaient du mal à se mettre dedans, et en fait d'un coup ils se sont mis à se prendre au jeu, on aurait dit des enfants qui jouaient, qui se sentaient vraiment ailleurs ! Ils se sont donc pris en photo mais comme il ne faut pas qu'on puisse les reconnaître, ils se sont redessinés. Le résultat est très beau, en plus de permettre de créer du lien entre toutes les histoires. En fait, c'est du roman-photo (re)dessiné. L'atelier est fini. Il y aura juste un peu de travail à faire pour finaliser le tout. J'espère le publier avec Na d'ici quelques mois.Sinon pour revenir sur Na éditions, c'est né de ce que tu disais au début, de ces projets d'ateliers ?
Le but ce n'était pas de faire de l'auto-édition même si nous avons publié quelques livres de nous en tant qu'auteurs, mais de pouvoir toucher à tout, d'essayer plein de choses, d'avoir une grande liberté, de pouvoir publier des livres qui ne se feraient pas ailleurs... et de donner la parole à des gens qui ne l'auraient pas autrement ! Et c'était très intéressant pour nous de voir ce que c'est que ce travail d'édition. En fait, pour nous, la finalité d'une bande dessinée c'est qu'il y ait un livre, un objet derrière. Par exemple, pour les ateliers, quoiqu'on fasse il y a toujours un petit livre derrière, même si ce n'est imprimé qu'à 20 exemplaires seulement.Pour finir, je voudrais que nous évoquions ton rapport à Marseille.
Nous sommes installés à Marseille avec Clément depuis 7 ans parce que nous adorons voyager. Et aussi parce qu'on y entend plein de langues dans les rues, parce qu'il y a plein de gens différents, un brassage que nous adorons. C'est une ville assez populaire : quand on n'a pas énormément d'argent, c'est plus facile de vivre à Marseille que dans la plupart des autres villes en France, même en dehors de Paris. A Marseille, il y a plein de choses qui ne coûtent pas très cher. Sans oublier qu'il y a la mer et le soleil !Il y avait déjà d'autres auteurs sur place que vous connaissiez j'imagine ?
Surtout Benoît Guillaume qu'on côtoyait beaucoup. Mais pas tant d'autres auteurs de BD que ça, même si il y en a que nous connaissions. Ce n'est pas forcément ce qui a motivé notre venue à Marseille. Nous c'est vraiment le côté multiculturel, la ville elle-même qui bouge beaucoup.Niveau artistique Marseille vous en pensez quoi ?
Au niveau culturel, il y a des salles de cinéma intéressantes, d'excellentes librairies aussi, et ce que je trouve super à Marseille c'est le côté militant ! Il se passe plein de choses ! Même si souvent ce sont dans des lieux qui n'arrivent pas à tenir très longtemps parce qu'il n'y a pas une vraie politique pour les soutenir. Il y a tout de même des lieux alternatifs qui perdurent comme Manifesten rue Thiers, Mille bâbords rue Consolat,... et plein de mouvements féministes ! Et aussi la revue CQFD qui est basée à Marseille et Le Ravi.Mon voisin Brad Pitt, roman-photo sur la gentrification de Marseille - © Lugrin - Xavier / Na éditions