Un casting impressionnant
Portrait d'Eric Dolphy par Brüno - © Brüno
Si certains dessins sont assez « paresseux » (Cabu expédie Quincy Jones, Loustal s'auto-caricature avec son « Jazz à Lanzarote », tout comme Bilal ou Margerin d'ailleurs !), on sauvera parmi les grands anciens étonnamment Manara qui signe un dessin très « prattien » représentant une femme (non dénudée – rassurez-vous les enfants sont bienvenus !) violoncelliste dans une ambiance automnale de feuilles mortes sépia, ou dans un tout autre genre Geluck qui si il ne fait pas d'esbroufe technique arrive à amener un peu d'humour en orchestrant un « Cats band » de six de ses chats qui chacun détourne un instrument de musique, comme par exemple l'accordéon qui devient une batterie. Nous vous épargnons la revue de détail de chacun des 40 dessins – ils n'en valent pas toujours la peine –, nous tenions à revenir tout de même sur les plus marquants.. Et si de nombreux dessinateurs ne font que transfigurer leur univers BD (personnages ou ambiance) avec une plus ou moins vague note jazzy comme Emil Ferris ou Ludovic Debeurme, d'autres sont plus aventureux. Passons sur le dessin repris sur l'affiche qui ouvre l'exposition signée Marc-Antoine Mathieu qui fait du Marc-Antoine Mathieu, c'est-à-dire intéressant au niveau de la forme mais un style plutôt plat, pour aller directement aux deux portraits N&B d'Eric Dolphy et Charlie Mingus signés respectivement Brüno et José Munoz. Si le premier est comme à l'accoutumée chez Brüno d'une économie de traits pourtant confondante de précision, celui de l'argentin Munoz est d'une étrangeté quasi baroque représentant de ¾ dos le musicien et sa contrebasse à moitié immergés dans la mer, et dont les nombreuses gouttes d'eau (ou de sueur) qui les entourent donne l'impression que le musicien est en train de jouer frénétiquement, comme s'il était en transe. Ou encore l'étonnant dessin de Blutch, grand fan de jazz devant l'éternel, intitulé « Jazz à domicile » représente le saxophoniste Charles Lloyd (avec la mention « Charles Lloyd Montreux 1967 ») en train de jouer dans le salon de celui qui semble être l'auteur de BD qu'on voit allongé sur son canapé, mais auditeur attentif. On est assez étonné par les couleurs très flashy des vêtements du jazzman qui, d'après le texte de José-Louis Bocquet qui accompagne le dessin, est le seul musicien à rendre « audible le jazz coltranien aux hippies du flower power ». Texte qui nous apprend également que le live à Montreux de Charles Lloyd est la seule musique à disposition de l'auteur de BD pendant le confinement du printemps 2020, disque qu'il est allé chercher avec d'autres affaires lors d'un aller-retour depuis son lieu de vacances en mer vers Paris avant que les trains ne soient supprimés. Mais aussi, heureuse surprise, Rebecca Dautremer qui livre une petite image carrée à la composition étonnante aux dominantes noires et rouges où l'on voit des musiciens se cacher derrière une masse noire en forme de piano et placés devant un mur sur lequel sont placardés grâce à un collage informatique une multitude d'affiches de concert de jazz, Louis Armstrong et Cab Calloway en tête. À noter également le texte de Michel Bussi qui invente une petite fiction en faisant des références aux différents livres de l'illustratrice du récent Des souris et des hommes à Jacominus ou Alice.Autres cases signées Chris Ware sur Scott Joplin - © C. Ware
Mais c'est certainement la planche de Chris Ware – un auteur que pourtant nous n'apprécions pas plus que ça, et qui est en ce moment exposé au Musée Beaubourg
à Paris – qui impressionne le plus. Déjà, au premier abord, par ses dimensions (40 x 60 cm de haut !) puis, en s'approchant, par la minutie de son
travail (précision du trait et du lettrage), d'autant plus que grâce à l'utilisation de la mine bleue (qui n'est pas reproduite à l'impression,
rappelons-le) on peut deviner la construction de ses dessins. Et enfin par la composition de la planche (25 cases !) qui raconte un moment de la vie
de Scott Joplin « king of rag time » (comme le sous-titre de la planche) où le musicien n'arrive plus à jouer pour par la remarquable « méthode Pianola »
qui, un peu comme un orgue de barbarie, reproduit fidèlement le style des interprètes, la case finale en forme de biographie avec son lettrage manuel
en blanc sur fond noir (mais comment fait-il ?).
Mais qu'elle n'est pas notre surprise quand nous découvrons que le tout petit texte qui se trouve sous la planche annonce un concert à Chicago
de reprises de Scott Joplin par Etcetera String Band un groupe de Kansas City - Serait-ce que cette planche a servi d'affiche pour ledit concert ?
Ou une chronique dans un magazine pour annoncer cette soirée ? À moins que ces dernières lignes ne soient qu'un témoignage / souvenir de l'auteur
en forme de journal intime. À noter que Chris Ware a réalisé la pochette d'une intégrale discographique de Scott Joplin.
Dessin d'Edmond Baudoin - © E. Baudoin
Et les textes ?
Catalogue de 40 bulles de jazz - © M.-A. Mathieu / Jml arts