Ilitch et Hervé, des potes, des vrais... - © Starsky - Place / Fluide Glacial
La "cavalerie" à la rescousse d'Ilitch - © Starsky - Place / Fluide Glacial
La bande à Dindingre où l'on reconnaît les auteurs Lindingre, Pixel Vengeur ou Camille Burger -
© Starsky - Place / Fluide Glacial
Marcel Pinchon, le mari décédé en plein ébat avec Mme Pinchon, « un étalon jusqu'au bout » comme elle dit -
© Starsky - Place / Fluide Glacial
Vue du salon de Moana et tous les noms qu'ils donnent aux objets qui l'entourent - © Starsky - Place /
Fluide Glacial
Case d'ouverture du récit "Sale temps pour les braves" - © Starsky - Place / Fluide Glacial
Un des rares gags en une page de l'album où l'on peut admirer les jeux de mots d'Ilitch et ses potes
- © Starsky - Place / Fluide Glacial
Bref, on en redemande ! Mais bon si ça doit s'arrêter là, on aura passer un très bon moment avec cette bande de potes dont on aimerait tellement faire partie...
Case-titre du dernier récit de l'album, tout un programme... - © Starsky - Place / Fluide Glacial
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Tout d'abord, pourquoi "Starsky" ? C'est ton vrai nom ou un pseudonyme ?
Haha. Le mystère restera complet !Comment est né le projet de Macadam Byzance ?
Tout a commencé avec une histoire courte, écrite pour AAARG !, le magazine dont je m’occupais. Pierre l’a dessinée, et on s’est tout de suite attaché à ces personnages. Ils étaient nantis d’un sacré potentiel… ! Lindingre, qui était rédac' chef à Fluide Glacial à ce moment, l’a lue et aimée. On lui a dit avoir envie de développer le récit, le quotidien de ces personnages. Il a suggéré de le faire en couleur, et on a attaqué la suite pas loin de deux ans après la première histoire. L’idée a tout de suite été de créer un récit complet, une histoire chapitrée dont chaque séquence pourrait fonctionner de façon autonome, en prépublication. Autant dire que ça n’a pas été simple, d’autant que le récit devenait petit à petit choral, avec une sacrée palanquée de personnages aussi timbrés les uns que les autres. Mais au vu du résultat, je crois bien qu’on s’en est sortis.Au vu des différentes dédicaces et clins d'œil qui parcourent l'album, on se demande quelle est la part autobiographique dans ces histoires et de la pure fiction.
Je dirais environ… zéro virgule trois pourcent ! Bien qu’il y a du vécu dans les interstices de ces histoires, ce n’est pas de l’autobiographie. Disons que passées dans le mixeur de la fiction, pas mal de choses tirées de la réalité ont pris de nouvelles couleurs. Il y a des scènes inspirées de faits réels, comme l’histoire de l’auto-stop et du phare, qui est arrivée à mon daron, quand il était jeune. Mais avec beaucoup moins d’incidences que dans le livre. Au bistrot, dans la rue, partout, je prends des notes. J’assiste à une scène, et j’imagine comment elle aurait pu tourner. Il y a un substrat de réel dans chaque histoire, mais également une bonne dose d’imagination. Pour les répliques, c’est pareil. Je peux noter des choses entendues, ou des choses que j’ai sorties à l’impro, inspiré au comptoir. Mais souvent, j’imagine comment une discussion aurait pu tourner après une bonne vanne, un bon mot capté à la volée… Au final, rien n’est vrai, mais rien n’est complètement inventé non plus. J’écoute, je regarde, j’emprunte, j’imagine, je digère.L'album étant sorti il y a plus de deux ans, une suite est-elle tout de même prévue ou a-t-elle été envisagée ?
Elle est bien sûr envisagée. Elle a été prévue, mais on est partis sur d’autres choses pour l’heure… On a donné beaucoup, sur cet album, qui a été réalisé ponctuellement, en trois ou quatre ans… Je continue à prendre des notes, gratter des idées. On verra quand ce sera le moment, d’autant que je voudrais prendre de l’avance sur le récit, cette fois-ci. J’aime beaucoup le principe du roman Tendre jeudi de John Steinbeck, qu’il a écrit dix ans après La rue de la sardine (lisez-les !). Dix années se sont passé également dans le récit. Les personnages ont vécu et grandi, vieilli en même temps que leur auteur. Certains sont morts, ou ont décanillé, d’autres ont emménagé. Nous ferons sans doute pareil… Mais ce n’est pas pour tout de suite.A la lecture de Macadam Byzance, on pense à une certaine littérature américaine, (Bukowski, Fante ou le Fan Man de Kotzwinkle), quelles sont tes inspirations littéraires ou autres ?
Je n’ai pas lu Fan man, je note. Du reste, oui, j’imagine que tout ceci fait partie, plus ou moins consciemment, d’une bouillabaisse d’inspiration. Je lis beaucoup de romans, et la part belle est faite à la littérature américaine. Concernant les inspirations… Plutôt Fante que Bukowski, même si ce n’est pas évident ici. Rétrospectivement, je me suis rendu compte que le diptyque dont je parlais tout à l’heure (Tendre jeudi / Rue de la sardine) ont sans doute bien infusé et participé à ces histoires, même si de prime abord, Macadam Byzance est bien différent… C’est l’idée d’un lieu, où évolue une myriade de personnages hauts en couleur, dans un quartier populaire. Il y a plein d’influences que j’ai capté après coup, auxquelles je n’ai pas pensé en écrivant, mais qui, en retombant dessus, me sont parues évidentes. Par exemple, les BD de Moerel, que je lisais dans Fluide, ado. Elles comportent beaucoup de voix off, qui racontaient des choses embellies ou contraire à ce qu’on voyait dans l’image. Pas mal de films, également, m’ont fait tiquer en les revoyant : « Mais oui ! C’était là, dans l’arrière-boutique ! ». Les Apprentis de Pierre Salvadori, ou Les démons De Jésus de Bernie Bonvoisin, par exemple, en font partie. J’imagine qu’il y a beaucoup d’autre choses… D’ailleurs, à la base, la première histoire qui ouvre le livre était imaginée comme un film. Je l’avais écrite pour un court-métrage, qui aurait été (ou sera, va savoir) assez différent dans la forme. Tourné comme un film noir, avec du jazz, des ambiances en décalage avec le propos… Par ailleurs, si je n’ai pas encore planché au-delà des notes sur un deuxième livre, j’ai une trame de long-métrage, qui reprendrait ou réadapterait certains des personnages. J’en ai le squelette, pas mal d’images en tête. Un road-movie… J’ignore si c’est réaliste de se projeter sur un film, sans doute pas du tout, mais je ne le choisis pas, ça s’impose à moi. Le cinéma est mon premier amour.Je trouve que l'écriture de ces histoires, par ces dialogues et sa voix off, est ciselée et inventive. J'ai eu l'occasion de lire aussi un texte passionnant et drôle dans Siné mensuel retraçant le feuilleton abracadabrant (et je ne parle as du « twist » final avec l'interversion récente des postes entre maire et 1er adjoint) des élections municipales à Marseille. Peux-tu nous dire comment tu travailles tes textes ?
Oh, je ne le sais pas moi-même. C’est nouveau pour moi de faire le journaliste, dans Siné ou autres… À vrai dire, je me vois plus comme conteur, ou éditorialiste que comme journaliste. C’est une profession pour laquelle j’ai un immense respect. Je ne cause pas des abrutis qui ont pignon sur rue, enfin, sur petit écran, et qui déblatèrent des conneries, échangent des inepties et causent d’un monde dont ils sont déconnectés pour donner un avis sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas. Le vrai boulot de journaliste, l’investigation, j’admire… Je suis plutôt un archiviste, je lis sur, me documente sur, je rencontre des gens impliqués ou je vis un événement ; souvent tout à la fois. Puis je le raconte. De façon générale, pour revenir à ta question, je vais travailler différemment d’un projet à l’autre en fonction de plusieurs facteurs possibles. La contrainte en est une. Dans la presse, on est tenu par un nombre de signe très réduits. Mes premiers jets font souvent le double, voir le triple de ce qui est demandé. J’y mets tout, de façon exhaustive, en y accolant ma plume, mon ton. Puis je coupe. C’est un exercice qui m’apprend beaucoup. Aller à l’os. Ces dernières années, j’ai surtout bossé sur du format court. Comme j’ai pas mal à dire, que je suis bavard, le résultat est dense, surtout en BD. Je m’attelle à des projets longs en ce moment, afin de prendre le temps de raconter. Ça me convient beaucoup mieux… Plus de contemplation, de silences éloquents… Ma seule méthode, c’est écrire. Je fais peu de plans. J’envoie directement sur le papier. Le premier jet n’est souvent pas terrible, trop long, avec pas mal de maladresses stylistiques. Des fulgurances, aussi. Alors je taille dedans, je reprends.Après la fin de la belle aventure de la revue Aaarg ! En 2017, tu as participé au lancement de la collection Glénaarg ! Qu'en est-il de cette collection ?
On n’a sorti que quatre livres en deux ou trois ans. Elle est focalisée sur l’humour noir, méchant, mais progressiste. L’idée est de se moquer de la bêtise, de parler du monde dans lequel on vit, sans tomber dans la facilité. On ne veut pas taper sur ceusses qui sont déjà stigmatisés. On préfère taper sur les tapeurs. Force est de constater que nous recevons peu de projets qui s’inscrivent dans cette ligne et, surtout, qui nous conviennent. Nous, c’est Cédric Illand et moi, qui dirigeons la collection. Sachant qu’en plus, parfois, un projet validé est ensuite retoqué en commission éditoriale... Étant mercenaire, travailleur extérieur à la boutique, je n’ai pas beaucoup de pouvoir décisionnaire sur la signature. Je bosse d’ailleurs avec d’autres maison. Mais c’est chez Glénat que je fais le plus de choses en tant qu’éditeur, même si c’est sporadique. Notamment le formidable Muertos de mon ami Pierre Place, qui est un chef-d’œuvre malchanceux (paru hors collection, chez Glénat, encore). Un chef d’œuvre, malheureusement sorti au début du premier confinement. Ruez-vous dessus !Quels sont tes projets à venir en BD, écriture ou édition ?
Beaucoup de choses. Je voudrais m’atteler à des textes pour podcasts autobiographiques (ce coup-ci). J’en ai déjà quelques-uns. La BD, bien sûr. En 2020, un album, chez Fluide. Ça s’appelle Chevrotine. Compliqué à pitcher… Un peu entre Miyazaki et F’murr, à une moindre mesure, restons humble. Nicolas Gaignard dessine, il est immensément talentueux. Certains segments sont déjà parus dans le magazine Fluide Glacial, et ça dénote pas mal avec le reste… Et je planche sur deux longs récits en BD, donc, éloignés de l’humour. Puis d’autres choses encore. J’ai écrit pas mal de poésie, de quoi constituer un ou deux recueils. Je n’ai pas trop le temps de m’en occuper, ça viendra. Je fais des trucs dans mon coin, comme continuer à écrire des chansons pour des groupes. Des nouvelles, également… Je me disperse un peu, mais j’avance.En exergue de Macadam Byzance, tu dédicaces l'album « aux victimes de la rue d'Aubagne et aux habitants de La Plaine, quartier en résistance », quel est ton rapport avec Marseille, professionnellement et humainement ?
J’habite à Marseille, dans le quartier de La Plaine, depuis plus de quinze ans, et c’est ma ville d’adoption. Je l’ai dans le sang. Elle me fatigue parfois, mais elle est tellement vivante, bigarrée, inclassable… C’est une ville assez unique, malmenée depuis des décennies par les pouvoirs publics, le clientélisme, les promoteurs, les affairistes… Une ville très pauvre, très vivante. Elle m’inspire beaucoup, même si je n’ai jamais directement écrit sur Marseille. J’aime l’idée qu’en lisant un récit, chacun puisse se projeter, s’imaginer dans un lieu inventé. Il a beaucoup été écrit que Macadam Byzance se passait à Marseille. C’est faux. Et les Marseillais le savent tout de suite en parcourant les pages. C’est une petite ville de province, imaginaire. Mais il y a un peu du vent de Marseille qui souffle dans ses rues. J’ai un roman en cours, dans lequel on pourrait également imaginer Marseille, si on n’y vit pas. Il y en a des gènes, évidement. Mais j’y mets aussi de l’ADN d’autres villes. Pour moi, dans un récit, le lieu où se déroule l’histoire est un personnage à part entière. Et même si, comme les persos, d’ailleurs, elle s’inspire de, elle doit rester fictionnelle, imaginée et imaginaire. Un lieu dans lequel on voyage le temps de la lecture, et qu’on peut s’approprier à l’envi.Un grand merci à Pierrick Starsky !