Un petit âne comme vous et moi
Créé en 1999 dans « J'aime lire », le magazine pour les lecteurs de 7 à 10 ans, en vue de remplacer les histoires des deux frères et sœurs trublions
Tom-Tom et Nana (dont les créatrices Jacqueline Cohen et Bernadette Després aspiraient à une retraite bien méritée après près de 40 années de bons
et loyaux services), Ariol est un petit âne « comme vous et moi » dans la classe de CM1 de M. Le Blount avec toute sa bande de camarades, son meilleur
copain le cochon Ramono, le canard Kwax, son rival le chat Tiburge,... Bisbille la petite mouche qui lui tourne autour comme une mouche autour d'un
cheval et la jolie vachette bouclée Pétunia dont il est amoureux sans que cela semble être réciproque.
Sans oublier les adultes, avec les parents et grands-parents d'Ariol et de ses copains (dont l'inénarrable tonton de Ramono) ou l'invincible
Chevalier Cheval personnage de BD qu'Ariol, en bon âne qui se rêve cheval, admire.
Car un peu paradoxalement, les personnages étant tous des animaux humanisés, cela permet aux jeunes lecteurs de s'identifier. En effet, ici il
n'y a pas de trace d'origine ethnique des personnages (par ailleurs très souvent européo-centrées dans la BD jeunesse) ce qui fait que des jeunes
lecteurs d'origine maghrébine, africaine ou asiatique peuvent se reconnaître dans ce petit personnage (d'ailleurs son nom Ariol vient du berbère
Arioul qui veut dire « âne »).
Dans des courtes histoires de 10 pages paraissant chaque mois, les auteurs arrivent à aborder tous les problèmes liés à l'enfance, comme la
tolérance ou les a priori – Ariol a beau être un âne il n'en est pas plus bête que les autres pour autant !
Il faut dire que le coup de génie des auteurs est de s'adresser aussi bien aux enfants d'aujourd'hui qu'aux grands enfants que les adultes ont été.
Ce n'est pas si étonnant puisque dès le départ Emmanuel Guibert – le scénariste d'Ariol et par ailleurs génial auteur complet (au dessin et au scénario
cette fois-ci) d'ouvrages de BD sensibles et passionnants pour les adultes comme
Le Photographe ou
La Guerre d'Alan au centre desquels figure toujours
une rencontre, comme également dans son roman Mike paru chez Gallimard au tout début de cette année 2021 – s'est inspiré de ses propres souvenirs
d'enfance pour créer l'univers et les histoires d'Ariol, qui par ce double niveau de lecture en fait une sorte de Petit Nicolas des temps modernes.
Ariol et sa bande de copains - © Guibert - Boutavant / Bayard
Alors qu'il envisageait de réaliser seul cette BD, Emmanuel Guibert fait finalement appel au dessinateur Marc Boutavant qui n'avait jamais fait de
BD jusqu'alors.
Issu du monde de la publicité après des études d'arts appliqués où on lui a enseigné que dessiner ne lui assurerait pas d'avenir professionnel,
Marc Boutavant avait tout de même fini par embrasser au mitan des années 90 une carrière d'illustrateur pour la jeunesse et pour la communication,
lui et d'autres dessinateurs de sa génération ayant apporté « un peu de fraîcheur avec leur dessin enfantin dans un monde de l'illustration qui,
peut-être pour faire concurrence à la photo, se voulait souvent le plus réaliste possible ». C'est aussi à cette période que, par amitié, il s'occupe
des visuels des programmes de la Guinguette pirate, jonque chinoise amarrée près de la Bibliothèque François Mitterrand à Paris et célèbre salle de
concerts parisienne.
Au départ réticent à s'essayer à la BD, Marc Boutavant se lance dans l'aventure Ariol en révolutionnant sa technique personnelle puisqu'il troque
ses pinceaux et son acrylique minutieuse pour une palette graphique numérique qui lui permet plus de facilités pour réaliser ses Bds, tout en gardant
la souplesse du crayon et les effets de matière de ses couleurs (les couleurs d'Ariol étant aujourd'hui brillamment assurées par Rémi Chaurand).
Si c'est Emmanuel Guibert qui écrit les histoires d'Ariol, Marc Boutavant avoue garder sa liberté par rapport à son scénariste : « Nous nous
faisons confiance. Je me permets d'interpréter ce qu'il me demande. Il m'arrive de rajouter des détails dans les dessins, détails qu'Emmanuel peut
ensuite utiliser dans d'autres histoires bien plus tard, comme cette caravane au fond du jardin des grands-parents d'Ariol dessinée au départ pour
donner de la matière à l'arrière-plan et qui par la suite servira aussi de décor à une histoire postérieure. »
Emmanuel Guibert et Marc Boutavant
Une planche d'Ariol qui évoque la politique - © Guibert - Boutavant / Bayard
Un nouveau standard éditorial pour la BD jeunesse
Après un démarrage difficile dû à des recueils à la forme pas toujours heureuse, Marc Boutavant et Emmanuel Guibert en s'inspirant de la pagination
des mangas japonais ont proposé à leur éditeur Bayard, qui n'était pas spécialement habitué à publier de la bande dessinée, de faire paraître les
aventures d'Ariol (qui, à raison d'un récit par mois de 10 pages, comptent 120 pages par an) dans des épais recueils avec une couverture souple
imprimée sur un fond en ton vif.
Très vite cela devient un succès bien mérité, au point que l'éditeur adapte la formule pour tous les autres personnages de son catalogue en
créant le label « BD kids », avant d'être abondamment copié par de nombreux autres éditeurs, instituant ainsi comme un nouveau « standard » éditorial
pour la BD jeunesse (à l'opposé de l'habituel album cartonné de 48 pages A4 en couleurs – que certains appellent le « 48cc »).
Le succès d'Ariol en BD est tel que très vite la télé va s'intéresser à ce petit âne attachant, ainsi qu'às d'autres personnages du même
dessinateur, comme le petit ourson Mouk qui fait le tour du monde à vélo ou Chien pourri, le roi des poubelles de Paris, et son acolyte Chaplapla.
Une première série télé d'Ariol en 2009 sur TF1 et une deuxième en 2017 (ainsi qu'une adaptation sur grand écran en 2019) contribueront à en faire
une star des cours de récré. Des adaptations animées pour lesquelles le scénariste de la série Emmanuel Guibert, par ailleurs chanteur et musicien,
écrit des chansons inédites.
Ariol, la série TV - © Folimage
Après avoir été invité par le musicien Bastien Lallemant à une de ses siestes acoustiques, événements pendant lesquels à Paris et un peu partout
en France des musiciens et écrivains jouent et lisent devant un public allongé et volontairement somnolent, Emmanuel Guibert propose à ce musicien
de travailler sur un spectacle autour des chansons qu'il a écrites sur Ariol et sa bande de copains.
Après une résidence organisée conjointement par Les Correspondances de Manosque et la Maison de la poésie à Paris, naîtra le Ariol's show !
Un spectacle pendant lequel, avec Emmanuel Guibert au chant accompagné de Bastien Lallemant à la guitare, chansons sur les différents personnages
de la série (que Marc Boutavant représente en direct avec cette magie du dessin que l'on découvre en train de se faire !) alternent avec la lecture
très vivante faite par le scénariste de certaines des histoires du petit âne bleu, le tout se finissant généralement en boum survoltée... comme on
pourra le constater le mercredi 15 décembre à partir de 15h au Mucem !
Le petit oiseau de feu par Camille Jourdy
Le petit oiseau de feu par Camille Jourdy
Trois jours plus tard, toujours au Mucem, et ce pour deux représentations les samedi 18 et dimanche 19 décembre, l'attachante autrice de BD
Camille Jourdy – qui a par ailleurs signé il y a quelques années l'intimiste
Rosalie Blum et plus récemment l'onirique
Les Vermeilles –
dessinera sur une sélection d'extraits de musique classique et traditionnelle russe autour de la figure de l'oiseau de feu, animal légendaire
popularisé par le ballet éponyme de Stravinsky.
Interprétées par des musiciens de la Philharmonie de Paris, ces musiques constitueront les différents chapitres d'une histoire fantastique
mise en images en direct par Camille Jourdy qui nous feront traverser des royaumes fantastiques propres à émerveiller petits et grands.