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Les Olympiades 14/11/2021
un film de Jacques Audiard
d'après des bandes dessinées d'Adrian Tomine
Avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant
co-scénario de Céline Sciamma, Léa Mysius et Jacques Audiard
durée : 1h46mn – sortie : 3 novembre 2021
Présenté à Cannes en juillet dernier avant sa sortie officielle le 3 novembre 2021, le nouveau film de Jacques Audiard adapte trois nouvelles de l’auteur de Bande dessinée américain Adrian Tomine transposées dans le quartier des Olympiades du 13è arrondissement parisien. Une semi-réussite...
Le film




Les Olympiades est composé de trois parties suivant en parallèle trois personnages et qui reprennent très librement trois nouvelles graphiques d’Adrian Tomine : Escapade hawaïenne, Amber Sweet et Tuer et mourir.

1° partie – Le beau Camille, d’origine antillaise et prof de français au lycée, prend une colocation avec Emilie, une jeune femme d'origine asiatique qui vit dans une de ces immenses tours du quartier des Olympiades, dans le sud-est de Paris. Les deux jeunes adultes se cherchent : Camille aime son travail mais souhaite passer l’agrégation, alors qu’Emilie qui a fait Sciences Po’ travaille dans le démarchage commercial téléphonique.
Dès cette première rencontre, ils couchent ensemble (voir l’étrange scène d’ouverture – probablement post-coïtale – avec la touchante jeune comédienne Lucie Zhang qui joue Emilie chantant nue un karaoke en solo). Leur relation charnelle dure une quinzaine de jours au bout desquels Camille décide unilatéralement de la stopper. Malgré tout, ils restent en colocation.
Camille débute une relation avec une collègue du lycée (Stéphanie, métisse elle aussi) avant de s’installer chez elle et ainsi perdre de vue Emilie, qui paraît être toujours amoureuse de lui.
2° partie – Venant de Bordeaux, d’où elle semble fuir sa vie passée, Nora Lagier, 33 ans, s’installe à Paris pour reprendre ses études de droit. Même si elle est mal à l’aise avec des camarades beaucoup plus jeunes, elle accepte d'aller à une fête étudiantepour laquelle elle se déguise avec une perruque blonde. Dès son arrivée à la soirée, les hommes présents la prennent pour Amber Sweet, une fille qui fait des chats pornos privés (ils en ont justement offert un à un de leurs amis pour son anniversaire). Quand Nora comprend la méprise, elle quitte la fête puis plus tard, devant la pression morale et les insultes de ses camarades, arrête même ses études...

3° partie – Nora décide de reprendre son ancien travail d’agent immobilier et intègre une petite agence que Camille (le même personnage déjà croisé au début du film) a reprise, sans rien connaître au métier, vraisemblablement pour aider un ami.
Malgré ses réticences au départ, Nora va accepter les avances de Camille, même s’ils n’arrivent pas à avoir de relations sexuelles approfondies (sic !). En parallèle, Nora a contacté la vraie Amber Sweet avec qui elle entame une relation assez trouble bien que virtuelle.
Alors que Camille a repris contact avec Emilie (qui l’aide même en faisant l’interprète pour un client taïwanais), Nora finit par le quitter ainsi que son travail à l’agence, après une nuit d’amour charnel où elle a enfin décidé de prendre les choses en mains (re-sic !).
Emilie, qui a eu de nombreuses aventures sexuelles grâce à une appli de rencontres, apprend que sa grand-mère qu’elle n’allait plus voir à l’EHPAD (pourtant tout proche de chez elle) est décédée.
Alors que Nora rencontre enfin en vrai Amber Sweet, Camille propose à Emilie de l’accompagner aux funérailles de sa grand-mère. Elle de lui répondre qu’elle est amoureuse de lui et que s’il décide de venir, c’est pour qu’ils se mettent ensemble. Elle part sans réponse de sa part.
Mais le jour de l’enterrement, alors qu’elle s’apprête à sortir de chez elle, Camille l’appelle à l’interphone pour lui dire qu’il l’attend en bas… et qu’il l’aime !
Clap de fin sans qu’on les voit se retrouver.
Quelques critiques
Si le film n’est pas désagréable à regarder (les acteurs sont plutôt bons et le noir et blanc choisi pour représenter ce quartier où le béton est très présent semble judicieux), il n’en est pas pour autant un grand film. De nombreuses critiques peuvent être émises.
Tout d’abord, certaines situations sont passablement invraisemblables (Camille, prof de lettres passionné par son métier, devient du jour au lendemain le gérant d’une agence immobilière), voire « ridicu-cules » (après un plan cul, Emilie / Lucie Zhang danse façon comédie musicale dans la salle du resto chinois où elle travaille depuis qu'elle s'est fait virer de sa boîte de démarchage téléphonique).
L’aspect « jeuniste » (au mauvais sens du terme) dérange aussi. Qui a déjà vu Jacques Audiard (presque 70 ans) sur un plateau TV avec casquette (ou chapeau) vissé sur son crâne dégarni, veste (trop ?) cintrée et baskets (ou sneakers, comme on dit maintenant) bien voyantes aux pieds, comprendra qu’il n’assume pas son âge. Ce qui se retrouve dans ce film où on nous présente des applis de rencontres, les tchats pornos ou le triolisme comme si c’était original et nouveau (et ne parlons pas des soirées étudiantes avec Tekilatex en DJ très années 2000). Ce qui dessert un film qui ne manque pourtant pas de qualités.
Points positifs
Comme on l’a déjà évoqué, le casting est plutôt réussi. Makita Samba, belle gueule mais pas trop, est crédible dans son rôle d’intello des minorités, Noémie Merlant (révélée dans Portrait de la jeune fille en feu réalisé par Céline Sciamma, co-scénariste des Olympiades) en même temps belle et masculine dans son rôle de femme qui se cherche vis-à-vis de son rapport avec les hommes et finit par s’épanouir dans une relation lesbienne (dont on ne sait pas si elle restera platonique). Et surtout Lucie Zhang à la fois forte (avec sa voix grave) et fragile (avec son petit gabarit fluet) mais une présence physique étonnante.
L’autre réussite du film réside dans les scènes de sexe abordées, selon moi, de façon crue mais pas vulgaire, en somme réalistes !
Le choix du N&B (qu'on avait déjà apprécié, bien qu'utilisé pour d'autres raisons, dans Playlist, le premier long-métrage de l'autrice de BD Nine Antico) est aussi une bonne idée. Bien sûr, toutes ces nuances de gris (re-re-sic !) renvoient au béton, archi-présent dans ce quartier qui fut également cher à Houellebecq. Ce quartier est d'ailleurs un des personnages centraux du film, notamment avec quelques beaux plans fixes sur ces architectures aux accents quasi rétro-futuristes, en plus de faire clairement référence aux films de la Nouvelle Vague (décors naturels,…) Car l’une des originalités du film est de proposer un film très « drame bourgeois parisien » avec ce triangle amoureux mais en le transposant dans un quartier périphérique, qui plus est avec des personnages aux origines ethniques diverses, ici africaines et asiatiques.
De l'adaptation
de la BD
Le résultat est plus problématique quand on se penche sur l’adaptation de l’univers d’Adrian Tomine dans ce film.
Sur les trois histoires de Tomine annoncées au générique, à savoir Escapade hawaïenne (paru dans le recueil Blonde Platine, reédité en novembre 2021 par les éditions Delcourt), Amber Sweet et Tuer et mourir (toutes deux issues du recueil Les Intrus édité en français par Cornélius en 2015), il y en a une qui est bien sûr tout à fait reconnaissable : Amber Sweet avec un sujet un brin racoleur (une femme qu'on prend pour une « star » du porno) n'est pas exploité comme Tomine l'avait fait. Si le malaise de la personne prise pour quelqu'un dautre est bel et bien mis en scène par Audiard, cela reste sur une soirée (et quelques autres jours) alors que chez Tomine c'est quasiment sur toute une vie (ou tout du moins sur plusieurs années). Ce qui semble intéresser le plus Audiard dans cette histoire, c'est la relation qui va se nouer entre la fausse et la vraie Amber Sweet, rencontre que Tomine avait aussi imaginée mais comme une conclusion et non pas le début d'une nouvelle histoire. Mais passe encore...
Passons rapidement sur la deuxième histoire, Tuer et mourir, qui met en scène dans la BD un couple (dont la femme, malade, va mourir au cours de l'histoire) et leur fille, bègue, qui se lance dans le stand-up comique. Si au départ, cela lui permet de se décomplexer, cela va devenir une horrible expérience pour la jeune fille. Audiard le transpose à la famille de Camille, dont la jeune sœur, bègue elle aussi, s'essaie au stand-up alors que leur mère vient de décéder. Complètement anecdotique (cela dit ce n'est pas le meilleur récit de Tomine) !
Le troisième récit adapté, Escapade hawaïenne, narre le quotidien d'une jeune femme d'origine asiatique (Tomine est le fils de deux profs d'origine américano-japonaise, donc plusieurs de ses personnages ont des origines asiatiques) qui, après avoir perdu son boulot dans le démarcharge téléphonique, se met à faire des canulars au téléphone pour occuper ses journées et combler la vacuité de sa vie. Elle reste cependant dans le virtuel : quand un homme qui répond à ses coups de fil anonyme vers la cabine en bas de chez elle – on est au XXè siècle ! – lui propose qu'ils se rencontrent, après avoir longuement hésité elle finit par refuser.
Vous l'aurez compris, cette nouvelle donne corps au personnage d'Emilie / Lucie Zhang, mais le physique du personnage de Tomine est plus ingrat que dans le film d'Audiard (le résultat me semble du coup plus cynique et désabusé dans la BD). Et c'est un réel problème du cinéma qui, même en décrivant le quotidien le plus simple, amène un certain glamour qui empêche toute tentative réaliste de description du réel.
S'il n'en utilise grossièrement que quelques éléments narratifs, on se demande pourquoi Jacques Audiard a choisi d'adapter le travail de Tomine. Peut-être pour suivre une certaine vogue d'adaptations sur grand écran de « romans graphiques » (et pour faire la nique à celles des comics de super-héros ?) avec notamment Abdellatif Kechiche qui dans La Vie d'Adèle a adapté Le Bleu est une couleur chaude (qui n'est pas la meilleure BD qui soit, loin de là) de Julie Maroh, sans oublier les auteurs de BD qui se sont eux-mêmes essayé à la réalisation comme Sattouf, Sfar, Satrapi, Sapin et autres Nine Antico.
Et s'il n'est bien sûr nullement question d'adapter scrupuleusement les nouvelles de Tomine, il est regrettable de constater qu'Audiard et ses deux co-scénaristes n'en conserve pas l'esprit.
D'après moi, ce qui fait la force des récits de Tomine, c'est de décrire le quotidien de personnages plutôt « loosers », des moments de vie (parfois dans un moment hors-norme) en privilégiant une structure narrative sans début ni réelle fin. Ce qu'on ne retrouve pas ici. Si le début est assez réussi dans ce sens, la fin du film est complètement convenue, même si elle ne montre pas les retrouvailles des deux amants du début.
Et chez Tomine les personnages sont le plus souvent emplis de failles, voire de pensées malsaines. Qui plus est, présentés de façon neutre ce qui en fait ressortir d'après moi toute leur l'humanité. En effet, c'est dans ces moments de bascule ou de morne quotidien que les êtres humains révèlent leur côté pas forcément le plus agréable, mais bel et bien le plus humain.
Ce qui est loin d'être le cas dans ce film, où malgré quelques moments de légère tension tout se finit plutôt bien pour tout le monde : Camille et Emilie se mettent ensemble alors que Nora trouve le réconfort auprès de son "double" Amber Sweet.
Bref (re)lisez plutôt le travail de Tomine que de voir celui d'Audiard dont le principal mérite serait de mettre un peu plus en lumière le travail de cet auteur américain encore assez méconnu du grand public et pas aussi connu que ses pairs (Chris Ware, Daniel Clowes ou Charles Burns,...)
blabla

Biographie d'Adrian Tomine
Né en 1974 et titulaire d'un diplôme en littérature anglaise de l'Université de Berkeley en Californie, Adrian Tomine a commencé à publier ses dessins en 1991 sous la forme de publications amateures petit format intitulées Optic Nerve, dont le premier numéro a été tiré seulement à vingt-cinq exemplaires ! Après avoir publié sept numéros de son périodique auto-produit, il signe en 1944 un contrat avec la prestigieuse maison d'édition canadienne Drawn and Quarterly pour lancer une deuxième série d'Optic Nerve. Si au départ il est influencé par le travail des frères Gilbert et Jaime Hernandez (auteurs du feuilleton Love & Rockets), le travail d'Adrian Tomine se rapproche de celui de son confrère Daniel Clowes dans des récits très proches du quotidien, même s'ils laissent poindre parfois une bizarrerie sans pour autant être du fantastique, et toujours une certaine noirceur de l'âme humaine que ne laisse pas deviner un dessin à la ligne très pure.
En France, ses ouvrages de bande dessinée sont publiées aux éditions Delcourt mis à part Les Intrus aux éditions Cornélius.
Egalement illustrateur, il travaille régulièrement pour The New Yorker et Time.
Il travaillerait actuellement à l'adaptation sur grand écran de Loin d'être parfait, son seul récit au long cours jusqu'à aujourd'hui.
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